Les Pères de Cappadoce et la théologie trinitaire au premier âge d'or du christianisme, avec Isabelle Raviolo, Bertrand Vergely et Michel Cazenave

Alors qu'avec la promulgation de l'édit de Milan par Constantin en 313, faisant suite à des décennies de persécution, les chrétiens accèdent à une liberté de culte officiellement reconnue, l'Église du début du IVe siècle doit immédiatement faire face à des dissensions internes ; dissensions qui menacent son unité même et qui reflètent l'absence à cette époque d'un corpus théologique bien affirmé, puisqu'il faudra attendre le Concile de Chalcédoine, au milieu du Ve siècle, pour qu'un certain nombre de dogmes fondateurs, reconnus aujourd'hui encore par les Églises Orthodoxe, Catholique et protestantes, établissent fermement le socle de la foi chrétienne. Or, au IVe siècle, la question qui occupe tous les esprits, la question pour laquelle on n'hésite pas parfois à risquer sa vie, est celle de savoir qui est vraiment celui qui est mort sur la croix sous le règne de Tibère, qui est vraiment Jésus de Nazareth : est-il Dieu ou bien est-il homme ? est-il engendré ou bien est-il créé ? Les réponses apportées à cette question, lors du premier concile œcuménique convoqué par Constantin à Nicée en 325, n'ayant pas vraiment été suivies d'effet, c'est toute l'habileté et toute la pugnacité de certains théologiens qui devra être mise à l'épreuve pour s'opposer à ceux qui, à la suite d'Arius, refusent la consubstantialité du Christ, insistant sur sa subordination au Père. Dans cet affrontement, sur le terrain politique tout autant que sur celui de la théologie, qui permit au christianisme de se constituer, les Pères de Cappadoce se distinguent tout particulièrement par leur contribution à l'appui d'une théologie trinitaire, c'est-à-dire établissant une identité de nature entre le Père, le Fils et l'Esprit-Saint. Les Pères de Cappadoce, c'est-à-dire Basile de Césarée, son frère Grégoire de Nysse, ainsi que Grégoire de Nazianze qui, affermis par la profondeur de leur expérience intérieure et s'aidant de la langue philosophique profane, notamment  dans ses variantes platonicienne et néoplatonicienne, mais en en modifiant considérablement le sens, vont participer de cet effort fondateur consistant à donner au christianisme sa formulation.

Émission enregistrée le 7 avril 2014.

Isabelle Raviolo est docteur en philosophie et en théologie, elle enseigne à l'Institut Catholique de Paris. Elle a consacré sa thèse de théologie à Maître Eckhart, thèse soutenue en 2008 et publiée aux Éditions du Cerf en 2011 : L'incréé. La générosité infinie du Père chez Maître Eckhart. Elle dirige par ailleurs Thauma, revue de philosophie et poésie ainsi que La Dame d'Onze Heures, maison d'édition qu'elle a fondée.

Normalien et agrégé de philosophie, Bertrand Vergely est maître de conférence en théologie morale à l'Institut Saint-Serge (faculté orthodoxe de Paris). Il est l'auteur de nombreux livres et articles au croisement de la philosophie et de la théologie, nourrissant une réflexion sur le mal, la maladie, la souffrance et la mort, mais également sur le bonheur, la foi ou l'émerveillement. Parmi ses ouvrages : La Souffrance: Recherche du sens perdu et Retour à l'émerveillement.

Ancien élève de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm, Michel Cazenave est l'auteur d'essais touchant entre autres aux rapports entre science et symboles, à la psychanalyse ou encore à l'histoire des religions. Il est également créateur de pièces de théâtre , romancier et poète. Spécialiste reconnu de l'œuvre de Carl Gustav Jung, il dirige la traduction de l'œuvre complète du psychiatre suisse en français. Toujours à l'affût des découvertes les plus récentes de la science, il n'a cessé de promouvoir la rencontre de cette dernière avec d'autres voies de connaissance depuis le colloque de Cordoue qu'il prépara en 1979 pour France Culture. C'est d'ailleurs sur les ondes de cette même radio que de 1997 à 2009 il se fit connaître d'un plus large public avec son émission Les Vivants et les Dieux, donnant lieu chaque semaine à un dialogue sans cesse renouvelé entre les différents champs de la connaissance et les modalités multiples de l'expérience intérieure.